au médiocre le bouclier

Publié le par F.

Au médiocre le bouclier




-Je me suis servi de toi.

***

Je le chevauche, nous ôtons nos vêtements, je crépite en silence en parcourant ses lignes, délicieuse langue, puissant muscle. J’explore sa pilosité arborescente, son torse dessine un arbre des sephiroth, sa cage thoracique est puissante. Et là, je pense : serait-il possible que ce soit le Grand Changement ? Il est singulier. Il dit « je ne fais pas de différence entre les sexes », il dit « mes films préférés c’est Dogville et La cérémonie », il dit « si je devais choisir une nationalité ce serait la nationalité mongole» . Le corps est plein , l’âme ne se dérobe pas. Une alchimie commence à opérer. C’est du jamais-vu. Une galvanisation souterraine parcourt mes doigts et dilate la pensée. Sans motif apparent, il inverse le courant et dit « je suis un connard ». J’ai déjà compris. Il a fait de moi un instrument, la dague vindicative, il m’a fait participer à une histoire qui ne me concerne pas. Tout était trop fluide, il y avait forcément un leurre. Je devrais le savoir, depuis les ans. Mais il faut faire confiance à l’inconnu, sinon c’est la mort. J’ai fait confiance. J’ai encore perdu.Je ne sais pas comment réagir. Il souhaiterait que je réagisse mal, mais les sentiments ne font plus office. Je pense : « le plus important, c’est d’avoir eu ton corps ». Je pense à tous ceux que j’ai aimé, je pense que je suis esseulé à cet instant, je pense qu’il n’y a pas de mal, que cet entretien est une anecdote comme tant d’autres dans le mauvais script, je pense que je vais avoir du mal à réviser mes examens sereinement. Il ose demander à quoi je m’attendais. Je dis "ne me parle pas comme à une gamine." La vie fait trop souvent des fautes de goût, il le déplore, j'en suis navré. Il m’a baisée.Ce matin, je m’éveille
en frissonnant, au bruit du métronome qu'il a oublié sur la chaise. Césium insupportable qui rythme ma douleur. Je lutte encore, pour faire au médiocre le bouclier. Pas de psychotrope, toujours pas de psychotrope, résistance et patience, la douleur morale ne perdure jamais longtemps...




Publié dans l'ectopique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article